M. P… était un médecin de Moscou, aussi distingué par ses éminentes qualités morales que par son savoir. La personne qui l’a évoqué le connaissait de réputation seulement, et n’avait eu avec lui que des rapports indirects. La communication originale était en langue russe.
1. (après évocation.) Etes-vous ici ? — R. Oui. Le jour de ma mort, je vous ai poursuivie de ma présence, mais vous avez résisté à toutes mes tentatives pour vous faire écrire. 2 J’avais entendu vos paroles sur moi ; cela m’avait fait vous connaître, et alors j’ai eu le désir de m’entretenir avec vous pour vous être utile.
2. Pourquoi, vous qui étiez si bon, avez-vous tant souffert ? — R. C’était une bonté du Seigneur qui voulait par là me faire doublement sentir le prix de ma délivrance, et me faire avancer le plus possible ici-bas.
3. La pensée de la mort vous a-t-elle causé de la terreur ? — R. Non, j’avais trop foi en Dieu pour cela.
4. La séparation a-t-elle été douloureuse ? R. Non ; ce que vous appelez le dernier moment n’est rien ; je n’ai ressenti qu’un craquement très court, et bientôt après je me suis trouvé tout heureux d’être débarrassé de ma misérable carcasse.
5. Qu’est-il arrivé alors ? — R. J’ai eu le bonheur de voir une quantité d’amis venir à ma rencontre et me souhaiter la bienvenue, ceux notamment que j’ai eu la satisfaction d’aider.
6. Quelle région habitez-vous ? Etes-vous dans une planète ? — R. Tout ce qui n’est pas une planète est ce que vous nommez l’espace ; c’est là que je suis. 2 Mais que de degrés dans cette immensité dont l’homme ne peut se faire une idée ! Que d’échelons à cette échelle de Jacob qui va de la terre au ciel, c’est-à-dire de l’avilissement de l’incarnation sur un monde inférieur comme le vôtre, jusqu’à l’épuration complète de l’âme ! 3 Là où je suis, on n’arrive qu’à la suite de beaucoup d’épreuves, ce qui signifie de beaucoup d’incarnations.
7. A ce compte vous devez avoir eu beaucoup d’existences ? — R. Comment en pourrait-il être autrement ? Rien n’est exceptionnel dans l’ordre immuable établi par Dieu ; la récompense ne peut venir qu’après la victoire remportée dans la lutte ; et quand la récompense est grande, il faut nécessairement que la lutte l’ait été aussi.
2 Mais la vie humaine est si courte que la lutte n’est réelle que par intervalles, et ces intervalles sont les différentes existences successives ; or, puisque je suis sur un des échelons déjà élevés, il est certain que j’ai atteint ce bonheur par une continuité de combats où Dieu a permis que je remportasse quelquefois la victoire.
8. En quoi consiste votre bonheur ? — R. Ceci est plus difficile à vous faire comprendre. Le bonheur dont je jouis est un contentement extrême de moi-même ; 2 non de mes mérites, ce serait de l’orgueil, et l’orgueil est le fait des Esprits de réprobation, mais un contentement noyé, pour ainsi dire, dans l’amour de Dieu, dans la reconnaissance de sa bonté infinie ; 3 c’est la joie profonde de voir le bon, le bien ; de se dire : peut-être ai-je contribué à l’amélioration de quelques-uns de ceux qui se sont élevés vers le Seigneur. On est comme identifié avec le bien-être ; c’est une espèce de fusion de l’Esprit et de la bonté divine. 4 On a le don de voir les Esprits plus épurés, de les comprendre dans leurs missions, et de savoir qu’on en arrivera là aussi ; on entrevoit, dans l’incommensurable infini, les régions si resplendissantes du feu divin, qu’on est ébloui même en les contemplant à travers le voile qui les couvre encore. 5 Mais que vous dis-je ? Comprenez-vous mes paroles ? Ce feu dont je parle, croyez-vous qu’il soit semblable au soleil, par exemple ? Non, non ; c’est quelque chose d’indicible à l’homme, parce que les mots n’expriment que les objets, les choses physiques ou métaphysiques dont il a connaissance par la mémoire ou l’intuition de son âme, 6 tandis que, ne pouvant avoir cette mémoire de l’inconnu absolu, il n’est pas de termes qui puissent lui en donner la perception. Mais sachez-le : c’est déjà une immensité de bonheur de penser que l’on peut s’élever infiniment.
9. Vous avez eu la bonté de me dire que vous voulez m’être utile, en quoi, je vous prie ? — R. Je puis vous aider dans vos défaillances, vous soutenir dans vos faiblesses, vous consoler dans vos chagrins. 2 Si votre foi, ébranlée par quelque secousse qui vous trouble, vient à chanceler, appelez-moi : Dieu me donnera des paroles pour vous le rappeler et vous ramener à lui ; 3 si vous vous sentez prête à succomber sous le poids de penchants que vous reconnaissez vous-même être coupables, appelez-moi : je vous aiderai à porter votre croix, comme autrefois Jésus fut aidé à porter la sienne, celle qui devait nous proclamer si hautement la vérité, la charité ; 4 si vous faiblissez sous le poids de vos chagrins, si le désespoir s’empare de vous, appelez-moi ; je viendrai vous tirer de cet abîme en vous parlant d’Esprit à Esprit, en vous rappelant aux devoirs qui vous sont imposés, non par des considérations sociales et matérielles, mais par l’amour que vous sentirez en moi, amour que Dieu a mis en mon être pour être transmis à ceux qu’il peut sauver.
5 Vous avez sur la terre des amis sans doute ; ceux-là partageaient peut-être vos douleurs, et peut-être vous ont déjà sauvée. Dans le chagrin, vous allez les trouver, vous allez leur porter vos plaintes et vos larmes, et ils vous donnent en échange de cette marque d’affection leurs conseils, leur appui, leurs caresses ; eh bien, ne pensez-vous pas qu’un ami d’ici soit aussi une bonne chose ? 6 N’est-il pas consolant de se dire : quand je mourrai, mes amis de la terre seront à mon chevet, priant pour moi, et pleurant sur moi, mais mes amis de l’espace seront au seuil de la vie, et viendront en souriant me conduire à la place que j’aurai méritée par mes vertus.
10. En quoi ai-je donc mérité la protection que vous voulez bien m’accorder ? — R. Voici pourquoi je me suis attaché à vous dès le jour de ma mort. Je vous ai vue spirite, bon médium et sincère adepte ; parmi ceux que j’ai laissés en bas, je n’ai vu que vous d’abord ; j’ai alors résolu de venir contribuer à vous avancer, dans votre intérêt, sans doute, mais encore plus dans l’intérêt de tous ceux que vous êtes appelée à instruire dans la vérité. 2 Vous le voyez, Dieu vous aime assez pour vous rendre missionnaire ; autour de vous, tous, petit à petit, partagent vos croyances ; les plus rebelles tout au moins vous écoutent, et un jour vous les verrez vous croire. 3 Ne vous lassez pas ; marchez toujours malgré les pierres du chemin ; prenez-moi pour bâton de faiblesse.
11. Je n’ose croire mériter une si grande faveur. — R. Sans doute vous êtes loin de la perfection ; 2 mais votre ardeur à répandre les saines doctrines, à soutenir la foi de ceux qui vous écoutent, à prêcher la charité, la bonté, la bienveillance, même quand on use de mauvais procédés envers vous, 3 votre résistance à vos instants de colère que vous pourriez satisfaire si facilement contre ceux qui vous affligent ou méconnaissent vos intentions, viennent heureusement servir de contre-poids à ce que vous avez de mauvais en vous ; 4 et sachez-le, c’est un puissant contre-poids que le pardon.
5 Dieu vous comble de ses grâces par la faculté qu’il vous donne et qu’il ne tient qu’à vous d’agrandir par vos efforts, afin de travailler efficacement au salut du prochain. 6 Je vais vous quitter, mais comptez sur moi. Tâchez de modérer vos idées terrestres et de vivre plus souvent avec vos amis d’ici.
P…
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