Certaines personnes voient, dans la nécessité de subir de nouveau les tribulations de la vie, quelque chose de pénible, et pensent que Dieu, dans sa justice, a dû en combler la mesure ici-bas. Elles croient ainsi que notre sort est irrévocablement fixé après notre départ de la terre. Il nous semble plus rationnel, au contraire, que Dieu, dans sa justice, ait laissé aux hommes les moyens d’accomplir dans une autre vie ce qu’il n’a pas toujours dépendu d’eux de faire dans celle-ci. Nous invitons ceux qui ne partageraient pas cette opinion, de vouloir bien, dans leur âme et conscience, répondre aux questions suivantes :
Supposons qu’un homme ait trois ouvriers, le premier faisant bien et beaucoup, parce qu’il est laborieux et a de l’expérience sans son métier ; le second faisant peu et médiocrement, parce qu’il n’est pas encore assez habile ; le troisième presque rien ou mal, parce qu’il n’est qu’apprenti. Cet homme soit-il rémunérer ses trois ouvriers de la même manière ? — Supposons que vous soyez l’un de ces ouvriers, et qu’ayant été empêché de faire votre tâche, par maladie ou autre cause majeure indépendante de votre volonté, trouveriez-vous juste que le patron vous mît à la porte ? — Que penseriez-vous de ce patron s’il vous disait au contraire : Mon ami, ce que vous n’avez pu faire aujourd’hui, vous le ferez demain et vous réparerez le temps perdu : Je ne vous chasse pas parce que vous ne faites pas aussi bien que votre camarade qui a plus d’expérience que vous : travaillez, instruisez-vous, recommencez ce que vous avez mal fait, et quand vous serez aussi habile que lui, je vous paierai comme lui ?
Croyez-vous avoir atteint toute la perfection morale dont l’homme soit susceptible sur la terre ; autrement dit, croyez-vous qu’il y ait ses gens qui valent mieux que vous ? — Croyez-vous qu’il y en ait qui valent moins que vous ? — Parmi tous les hommes qui ont vécu sur la terre depuis qu’elle est habitée y en a-t-il beaucoup qui aient atteint la perfection ? — Y en a-t-il beaucoup qui n’ont pu atteindre à cette perfection par des causes indépendantes de leur volonté, c’est-à-dire qui ne se sont pas trouvés en position d’être éclairés sur le bien et le mal ? — Si la condition des hommes après la mort est la même pour tous, y a-t-il nécessité de faire le bien plutôt que le mal ? — Si, au contraire, cette condition est relative au mérite acquis, trouveriez-vous juste que ceux de qui il n’a pas dépendu de devenir parfaits soient privés du bonheur pour l’éternité ? — Si vous reconnaissez qu’il y a des gens meilleurs que vous, trouveriez-vous juste d’être récompensé comme eux sans avoir fait autant de bien ? — Si Dieu vous proposait cette alternative, ou de voir votre sort irrévocablement fixé après cette existence et s’être ainsi privé pour l’éternité du bonheur de ceux qui valent mieux que vous, ou de pouvoir jouir de ce bonheur en vous permettant de vous améliorer dans de nouvelles existences, lequel choisiriez-vous ? — Si, une fois en présence de l’éternité, voyant devant vous des êtres mieux partagés, ne seriez-vous pas le premier à demander à Dieu de vouloir bien vous permettre de recommencer afin de mieux faire ?
C’est ainsi que, par une déduction logique, nous arrivons à reconnaître que le dogme de la réincarnation est à la fois le plus juste et le plus consolant, puisqu’il laisse à l’homme l’espérance. Il se trouve d’ailleurs explicitement exprimé dans l’Évangile :
« Lorsqu’ils descendaient de la montagne (après la transfiguration), Jésus fit ce commandement et leur dit : Ne parlez à personne de ce que vous venez de voir, jusqu’à ce que le fils de l’homme soit ressuscité d’entre les morts. Ses disciples l’interrogèrent alors, et lui dirent : Pourquoi donc les Scribes disent-ils qu’il faut qu’Élie vienne auparavant ? Mais Jésus leur répondit : Il est vrai qu’Élie doit venir et qu’il rétablira toutes choses. Mais je vous déclare qu’Élie est déjà venu, et ils ne l’ont point connu, mais l’ont fait souffrir comme ils ont voulu. C’est ainsi qu’ils feront mourir le fils de l’homme. Alors ses disciples comprirent que c’était de Jean-Baptiste qu’il leur avait parlé. » (Saint Mathieu, chap. 17).
Puisque Jean-Baptiste était Élie, il y a donc eu réincarnation de l’esprit ou de l’âme d’Élie dans le corps de Jean-Baptiste.
Le progrès que nous devons accomplir comprend le développement de toutes les facultés. Chaque existence nouvelle, soit dans ce monde, soit dans un autre, nous avance d’un pas dans le perfectionnement de quelques-unes de ces facultés. Il faut que nous ayons toutes les connaissances et toutes les vertus morales pour atteindre à la perfection, c’est pourquoi nous devons parcourir successivement toutes les phases de la vie pour acquérir l’expérience en toutes choses. La vie corporelle est un instant dans la vie spirituelle qui est la vie normale ; or pendant cet instant on peut faire bien peu pour s’améliorer, voilà pourquoi Dieu a permis que ces instants se répétassent comme les jours dans la vie terrestre. Les différents globes sont pour les esprits comme les différentes contrées pour l’homme sur la terre ; ils les parcourent tous et fixent leur résidence dans tel ou tel selon que leur état le leur permet, afin de s’instruire en tout.
Un homme dont l’existence serait assez longue pour pouvoir passer par tous les degrés de l’échelle sociale, exercer toutes les professions, vivre parmi tous les peuples de la terre, approfondir tous les arts et toutes les sciences, aurait sans contredit des connaissances et une expérience sans égales. Eh bien ! ce que l’homme ne peut pas faire dans une seule existence, il l’accomplit dans autant d’existences que cela est nécessaire ; c’est dans ces existences qu’il apprend ce qu’il ignore, qu’il se perfectionne peu à peu et s’épure, et quand il en a parcouru le cercle entier il jouit de la vie éternelle et du souverain bonheur dans le sein de Dieu.
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